2019
Six communes menacées :
non à de nouveaux forages d’hydrocarbures
EBG A DONNÉ L’ALERTE sur sa page Facebook début août : la société Bridgeoil qui exploite depuis 2012 une concession de mines d’hydrocarbures (pétrole, gaz) à Nonville, projette de l’étendre sur les territoires de Nonville, La Genevraye, Nanteau-sur-Lunain, Treuzy-Levelay, Villemaréchal et Villemer. Cette demande est soumise à une enquête publique du 19 août au 20 septembre 2019. L’annonce légale est parue le 29 juillet dans La République de Seine-et-Marne, en plein été ! La plupart des habitants risquaient de ne pas être au courant. Premier réflexe d’EBG : tenter de les informer et les inciter à réagir.
Réactions en chaîne
Notre association s’oppose à ce projet. L’utilisation des hydrocarbures contribue au réchauffement climatique. Il faut agir vite pour limiter la hausse de la température mondiale à 2°C d’ici à fin 2100. La loi Hulot votée en décembre 2017 met fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures. La France s’est engagée à atteindre zéro émission de gaz à effet de serre en 2050. Il est urgent d’appliquer ces textes.
L’information publiée sur Facebook a entraîné des réactions en chaîne : une enquête parue le 19 août dans La République de Seine-et-Marne et nombre de partages sur les réseaux sociaux locaux. Dans la foulée, EBG a lancé une pétition qu’elle a fait signer sur son stand au vide-grenier de Villemaréchal le dimanche 25 août. Bilan de cette première opération : une centaine de signatures et autant d’encouragements qui font chaud au cœur. Ce même week-end, il a mis la pétition en ligne sur change.org.
On ne s’arrête pas en si bon chemin ! Notre pétition circule au forum des associations à Montereau le samedi 7 septembre sur le stand de France Nature Environnement Seine-et-Marne et au Festival Terre Avenir de Veneux-les-Sablons le week-end du 7 et 8 septembre (voir p.3). D’autres rendez-vous seront organisés d’ici au 17 septembre, date à laquelle les signatures seront comptabilisées. Le jeudi 19 septembre, EBG remettra la pétition avec un courrier argumenté au commissaire enquêteur lors de son dernier rendez-vous avec le public à La Genevraye.
Que cela ne vous empêche pas d’exprimer votre désaccord avec le projet de Bridgeoil sur www.seine-et-marne.gouv.fr/Publications/Enquetes-publiques ou/et de rencontrer le commissaire enquêteur qui tiendra encore une permanence dans les mairies de Nanteau-sur-Lunain le vendredi 13 septembre de 9h à 12h, de Treuzy-Levelay le mardi 17 septembre de 13h à 16h et de La Genevraye le jeudi 19 septembre de 16h30 à 19h. EBG infos n° 50 (septembre 2019)
2020
Forages d’hydrocarbures : les suites du dossier Bridgeoil
RAPPEL : Bridgeoil qui exploite une concession de mines d’hydrocarbures à Nonville souhaite l’étendre sur La Genevraye, Nanteau-sur-Lunain, Treuzy-Levelay, Villemaréchal et Villemer. La superficie actuelle d’exploitation (10,7 km2) serait multipliée par quatre (41,6 km2). Trois plateformes comportant 19 puits seraient construites : une nouvelle à Nonville avec 10 puits, une à Villemer avec 5 puits et une à Treuzy-Levelay avec 4 puits. De quoi provoquer la colère et l’inquiétude de nombreux riverains pour diverses raisons. Cette demande d’extension a fait l’objet d’une enquête publique du 19 août au 20 septembre 2019. Le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable assorti d’une réserve expresse. Son rapport et ses conclusions ont été mis en ligne sur le site* gouvernemental avant Noël. Décryptage et compléments d’infos dans ces pages.
* http://www.seine-et-marne.gouv.fr/Publications/Enquetes-publiques/HYDROCARBURES-Extension-de-la-Concession-de-Nonville-Societe-BRIDGEOIL/Rapport-et-conclusions-du-commissaire-enqueteur
Trois points de vue à connaître
DANS SON RAPPORT, le commissaire enquêteur fait référence aux courriers qu’il a reçus. Ceux-ci auraient dû se trouver en annexes sur le site gouvernemental. Or, ce n’est pas le cas. EBG infos vous en livre ici des extraits.
EBG : sortir des énergies fossiles
« Notre association (…) s’oppose à la demande d’extension de la société Bridgeoil qui est en contradiction totale avec les engagements de la Conférence de Paris sur le changement climatique (COP 21) de 2015. La Cop 21 incite à réduire les émissions de gaz à effet de serre provoquées entre autres par l’utilisation du pétrole.
Par ailleurs, la loi Hulot a été votée par l’Assemblée nationale et le Sénat en décembre 2017. Elle met fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures. Certes, le décret d’application n’est pas encore paru, mais cette loi a le mérite d’exister. Le président de la République, Emmanuel Macron, avait d’ailleurs tweeté le 1er décembre 2017 : « Très fier que la France devienne aujourd’hui le premier pays du monde à interdire tout d’EBGnouveau permis de recherche d’hydrocarbures dès maintenant et toute exploitation d’ici 2040 ».
Il est urgent d’appliquer ces textes et de sortir progressivement des énergies fossiles pour atteindre zéro émission de gaz à effet de serre en 2050 et limiter la hausse de la température mondiale à 2°C d’ici à 2100. La société Bridgeoil, plutôt que de vouloir tirer davantage de profits financiers en forant de nouveaux puits de pétrole et ceci sans tenir compte des risques sanitaires pour les riverains de Nonville et des forts désagréments qu’ils subissent (odeurs nauséabondes, perte de valeur de leurs biens), la société Bridgeoil donc pourrait investir dans la recherche d’énergies propres et renouvelables. »
France Nature Environnement Seine-et-Marne : l’Histoire sera juge
« Peut-on encore raisonnablement accorder des concessions à une société visant certes une extraction conventionnelle de pétrole, mais qui est loin d’être sans nuisances : odeur, bruit, trafic, risques de pollution des terres, des nappes phréatiques. On oublie trop souvent (…) que ce sont les ruptures des canalisations notamment des eaux réinjectées (…) qui sont à l’origine de plusieurs accidents industriels. (…) Il est fréquent aussi de voir beaucoup d’incidents sur des exploitations en fin de vie sur lesquelles on n’investit plus.
On constate donc que (…) les organismes financiers sont encore prêts à financer des opérations s’inscrivant sur le modèle 100 % carbone alors qu’il faudrait investir à 100 % sur des énergies renouvelables, et en plus et surtout arrêter de consommer ou de mettre en péril les terres agricoles et nos ressources en eaux… et ce n’est pas l’éventuelle opération green washing présentée par Bridgeoil avec la récupération d’eau chaude qui va changer la donne. (…)
Au train où vont les choses, on saura rapidement si nous nous dirigeons vers +7° à ‘horizon 2100 ou si nous serons capables d’infléchir nos modes de production et de consommation pour rester à 2°C. L’histoire sera juge des décisions prises aujourd’hui, alors que nous savons qu’en cette période critique pour l’évolution du climat, l’industrie devrait muter vers des opérations et des processus entièrement décarbonés. »
Eau de Paris : des risques de pollution
« Eau de Paris émet un avis fermement négatif concernant ce projet, incompatible avec les enjeux d’alimentation en eau potable des Parisiens et des habitants des communes dont les ressources sont impactées par le projet d’extension. Il comporte des risques importants de pollution des ressources en eau superficielles et souterraines. La zone concernée [est] particulièrement vulnérable en termes de transferts étant donné la nature karstique de l’aquifère exploité pour l’alimentation en eau potable (craie sénoturonienne). L’aquifère est à la fois relativement peu protégé des éventuelles contaminations de surface et sujet à des circulations rapides via le réseau karstique (…). Les vitesses élevées de transfert (plusieurs dizaines de centaines de mètres par heure) ne laisseraient de plus que peu de temps aux gestionnaires de captages d’eau potable pour intervenir en cas de contamination. Les risques sont ainsi importants lors de la foration (…) et dans le cadre de l’exploitation des puits réalisés (…). Des risques existent également concernant le transport des hydrocarbures (…).
Un projet de déclaration d’utilité publique de protection des captages de Bourron, Villeron et Villemer est en cours d’instruction par l’ARS (Agence régionale de santé) 77 pour présentation en enquête publique fin 2019/début 2020. Or, les communes précitées sur lesquelles l’extension de la concession de Nonville est projetée, se situent dans les périmètres de protection de ces captages, situation ayant motivé un avis défavorable de l’ARS 77 sur ce projet en juillet 2019. La notice d’impact jointe au dossier d’enquête publique déposé par la société Bridgeoil ne tient aucunement compte de l’existence des captages gérés par Eau de Paris (…) » EBG infos n° 51 (février 2020)
Succès de la pétition remise au commissaire enquêteur
1885, c’est le nombre de personnes
qui ont signé notre pétition intitulée
« Non à de nouveaux forages d’hydrocarbures dans le sud 77 comme ailleurs »
( 871 signatures sur papier
et 1 024 en ligne sur change.org) que nous avons remise au commissaire enquêteur
le 20 septembre 2019.
Les conclusions de l’enquête publique
UNE LEVÉE DE BOUCLIERS : voilà ce qu’a provoqué la demande par Bridgeoil d’une extension à l’est de la concession dite de Nonville. La période de l’enquête publique, annoncée dans les journaux le 29 juillet 2019, ne se prêtait pourtant pas à une aussi forte mobilisation des habitants. L’équipe d’EBG, bien que restreinte durant l’été, a joué un rôle moteur pour alerter la population et la presse. L’esprit d’initiative et l’implication des citoyens ont fait le reste.
Sulfure d’hydrogène
Dans son rapport, le commissaire enquêteur, Michel Vayssière, souligne que les nombreux avis (écrits ou oraux) sont tous à divers titres défavorables ou très dubitatifs. Il note que « la plupart des intervenants ont légitimement placé leurs réflexions dans le cadre général du réchauffement climatique ». Et de lister les principaux problèmes soulevés par le public.
Les Nonvillois, aux premières loges depuis 2012, se plaignent de l’odeur d’œuf pourri et dans deux cas d’irritations oculaires. Ils s’inquiètent sur la toxicité à long terme de l’hydrogène sulfuré (H2S). Michel Vayssière en a tenu compte. S’il a donné un avis favorable au projet d’extension, il l’a conditionné à une réserve expresse : avant toute demande de nouvelle exploitation pétrolière, Bridgeoil devra d’abord résoudre le « problème du dégagement gazeux, particulièrement désagréable au plan olfactif et nocif au plan toxicologique, du sulfure d’hydrogène sur la plateforme actuellement exploitée de Nonville ». Bridgeoil juge possible la résolution technique de ce problème, mais celle-ci devrai été vérifiée par un organisme indépendant et officiellement compétent ainsi que par les municipalités des six communes concernées. Enfin, l’organisme devra être désigné par une autorité administrative supérieure. Si cette réserve n’est pas levée, l’avis du commissaire enquêteur devra alors être regardé comme défavorable.
Grand écart
Les autres problèmes soulevés par le public ont été analysés avec soin, mais n’ont pas incité le commissaire à donner un avis défavorable, soit au vu des réponses apportées par Bridgeoil, soit au regard de la législation en vigueur.
Ainsi, les nuisances sonores occasionnées par l’activité des plateformes seraient réduites. La pompe à balancier de type « tête de cheval » a été démontée et ne sera plus utilisée à l’avenir. Les forages se feraient loin des habitations. Le bruit des extractions est bien plus faible. Et les nuisances provoquées par les poids lourds ? « La production des éventuels futurs puits serait centralisée et stockée en réservoirs sur un seul site proche de la D 403 où elle serait amenée par oléoducs souterrains et évacuée directement dans des camions citernes par la route sans accéder aux bourgs », précise Bridgeoil.
Quant à la loi Hulot brandie par plusieurs personnes, Michel Vayssière rappelle qu’elle interdit toute nouvelle prospection et exploitation des hydrocarbures sur le sol national et définitivement en 2040. « Or, il ne s’agit pas ici d’un nouveau territoire mais d’une demande d’extension d’un territoire déjà concédé et exploitable (…) jusqu’au 17 juillet 2034 et, une loi n’était pas rétroactive, elle ne peut abroger des autorisations antérieures à son adoption. » Exact, évidemment, mais à ce train-là, pourquoi Bridgeoil ne tenterait-il pas d’étendre davantage encore son aire d’exploitation ? Une fois de plus, on constate le grand écart entre ce que la loi continue de permettre et ce que la morale réprouve face à l’état alarmant de la planète.
Le commissaire enquêteur rappelle que même si l’extension de la concession de Nonville est autorisée, « chaque nouvelle ouverture de puits devra faire l’objet d’une enquête publique distincte ». Il faut donc se préparer à réagir à chaque fois avec force si l’on veut contribuer au decrescendo des énergies fossiles et au crescendo des énergies renouvelables. EBG infos n° 51 (février 2020)